de Anneli Furmark (texte et dessin) – Traduit du suédois par Florence Sisask – Ed. Ça et Là
Barbro est une suédoise solitaire qui porte en elle le roman de Cora Sandel (1880-1974), Alberte et Jacob (1926), premier volet d’une trilogie qui va de la libération à la solitude du personnage central.
Barbro s’est à ce point prise d’amitié pour l’héroïne qu’elle entreprend un voyage en Norvège pour retrouver les lieux où elle a vécu. Elle s’identifie à cette jeune fille mal dans sa peau, étranglée par les convenances et une vie familiale pesante, où les femmes semblent toujours assignées à des places subalternes, dans la peur des hommes et du regard social.
Le roman graphique d’Anneli Furmak mêle étroitement le présent de Barbro, en route vers les lieux du roman, et des extraits de Alberte et Jakob. C’est le dessin, et particulièrement les couleurs qui délimitent les deux espaces-temps.
Le présent de Barbro baigne dans une lumière bleue, froide, elle découvre Narvik, puis Tromsø, la ville d’Alberte. Neige, montagne et néons urbains. Le roman de Cora Sandel est lui travaillé dans le noir et blanc, ou plus exactement dans le blanc et la gamme des nuances de brun, avec ici et là des touches de bleu qui font le lien entre les deux époques.En voyage, Barbro observe les gens, s’interroge sur ce qui les pousse à se déplacer, elle rêve qu’elle les questionne sur leurs vies, elle rêve que cela serait facile de faire connaissance, d’échanger. Cependant elle est paralysée par la timidité, tout semble vain, tout lui fait peur. Elle est à l’âge où l’on commence à ressembler à sa grand-mère.
Une vie un peu à côté de la vie. Elle a un travail, a été mariée, a eu des fils, et l’on comprend peu à peu que ce voyage est un chemin pour s’affirmer, trouver sa place dans le monde.
Une vie minuscule, à la manière de Pierre Michon*, peut-être, mais une vie illuminée par une œuvre littéraire.Cette œuvre graphique tout en délicatesse nous fait découvrir par petites touches la sensibilité de Barbro, qui est de ces êtres que l’on côtoie sans les voir. Sur son lieu de travail, elles sont deux à porter le même prénom, alors on la désigne sous la lettre B… Second rang, tout un programme.
Mais Barbro va faire une rencontre qui peut-être pourrait changer sa vie et en rompre la monotonie.
Un soleil entre des planètes mortes est aussi pour nous l’occasion de découvrir une écrivaine peu connue en France : Cora Sandel, que les Editions des femmes avaient publiée en 1991.
176 p., 24 €
- Vies minuscules, Ed. Gallimard 1984