Une Femme de Shôwa

couvertureManga de Ikki Kajiwara (scénario) et Kazuo Kamimura (dessin) – Ed. Kana  – En librairie le 20 janvier.

Visuels © KAZUO KAMIMURA

L’action se déroule en 1945 dans un Tokyo ravagé par la guerre. Shôko n’est encore qu’une enfant lorsque l’on fait sa connaissance. Elle semble heureuse avec sa maman, Kiyoka, une geisha très en vogue dans le quartier de Yanagibashi. Seule ombre au tableau, l’absence de son père, Sôzuke Tanako, un jeune critique très prometteur proche de la cause nationaliste et obligé de se cacher pour ne pas mettre sa famille en danger.

La vie de Shôko va être à jamais être bouleversée lorsque Kiyoka se fait arrêter par la police spéciale, qui veut savoir où se cache Sôzuké.  « Son mari était issu d’une famille de Samouraï de l’l’université impériale. Elle, originaire d’une famille pauvre de paysans du nord du Japon n’aurait jamais pu devenir une grande courtisane, mais son mari l’avait tout de même prise pour femme. Elle était prête à mourir pour cet amour, car elle se sentait redevable envers lui. » écrit Ikki Kajiwara.15977169_1404063076292998_8143109005708983555_nLa jeune femme sera torturée, violée, mais elle ne parlera pas. Elle mourra quelques semaines plus tard lors d’un bombardement américain.

C’est dans ce monde hyper violent que Shôko va grandir, puis devenir une jeune femme justicière. Elle saura aussi bien manier le charme que le stylet. On pense bien sûr au manga de Kazuo Koke (scénario) et Kazuo Kamimura (dessin), Lady Snowblood (2007), qui a inspiré à Quentin Tarantino le personnage féminin de Kill Bill.

Shôko fait partie des 120 000 orphelins de guerre qui hantent les rues du Japon, elle doit voler de la nourriture pour survivre. Prise sur le fait, puis violentée à son tour – « Bats-la à mort ! Cette mioche n’arrête pas de chaparder » – elle ira « réfléchir » dans un centre de redressement, deviendra chef d’une bande d’orphelines, et sous le nom de « Shôko le Chat Sauvage », fera régner la terreur dans le quartier d’Uno.

Dès l’enfance, elle prend sa vie en main. Elle n’abdiquera jamais.  « Elle est coriace ! «  diront d’elle ceux qui tenteront de se mettre en travers de sa route. Coriace et d’une fidélité sans faille envers ceux qui lui ont tendu la main.

Shôko va aussi découvrir, à la faveur d’une rencontre fortuite, que ce père aimé s’est conduit comme un salaud et qu’il est maintenant à la tête d’un groupuscule proche de l’extrême-droite.

Recueillie par des prostituées au grand coeur alors qu’elle n’est encore qu’une enfant, réduite à son tour « en esclavage » par une mère maquerelle, puis adoptée par la patronne du Banryu (une auberge de luxe), elle poursuivra sa vengeance et son irréductible quête de liberté et d’indépendance, quel que soit le prix à payer. Car c’est aussi la condition de la femme dans le Japon de l’immédiat après-guerre qui est ici dépeint.15894483_1404057642960208_4217748898490149664_nRien n’est suggéré, tout est dit dans les bulles, tout est montré via des dessins en plans fixes, et souvent au travers de planches totalement muettes, sur lesquelles le noir l’emporte la plupart du temps sur le blanc.

C’est cru, violent, extrêmement prégnant. On n’en sort pas indemne.

Anne Calmat15977047_1404690132896959_2518130961046535848_n

272 p., 15 €

Exposition Kamimura

kamimura-6-sur-6Le 44e Festival international de la bande dessinée présente une exposition exceptionnelle consacrée à Kazuo Kamimura intitulée Kazuo Kamimura : l’estampiste du manga.

www.bdangouleme.com/1056,retrospective-kazuo-kamimura